Hauray-son funèbre (1943-2020)

[Frofro]

Et oui, notre Guyguy national s'en est allé, discrètement, sans un bruit, à l'image de son départ de la télévision française. Tellement discrètement qu'on n'aura appris la nouvelle que 5 mois après son décès. Donc oui, même en 2021 on pourra à nouveau dire que 2020 était bien une belle année de merde.

"Tais-toi Rougeau"
"S'il ne faisait pas pipi on le mettrait dans un bocal"
"Les Natural Disasters : les 2 sacs à graillon"
"Tatanka : le peau rouge"
"Bret Hart : le gelé du cerveau"
"Greg Valentine : l'endormi"

Voici un tout petit échantillon du genre de punchlines et autres sobriquets qui jaillirent tout droit de mon poste de télé à la toute fin des années 80, lorsque j'étais en train de siroter mon lait fraise et de grignoter mes Z'animos. Un vieux décodeur poussiéreux qui m'a permis de m'éveiller à la chose la plus incroyable que je n'avais jamais vue : le catch. Le tout magnifié par ces deux papis dont je ne découvris le physique que bien plus tard. "Ah, ils ressemblent donc à ça!". Carpentier-Hauray, l'auguste et le clown blanc, une formule vieille comme le monde mais qui marche à chaque fois. Et sur moi, je dois bien dire que ça a fait mouche très rapidement. Maintenant que j'ai pu casser cette derrière barrière (physique), je décidai d'en faire mes tontons, ceux que je n'ai jamais eus, parce que quatre papis, ça aurait quand même fait beaucoup. Mais mis à part leurs noms et leur apparence, j'ignorais tout d'eux. Qui sont-ils en réalité? Pourquoi eux? Les deux compères s'asticotent, vocifèrent, gesticulent, exagèrent, chambrent, le tout sous mes oreilles ébahies. A l'époque je ne comprenais pas tout, mais ça m'amusait quand même. On me parlait de Duranton, Henri Cogan, Lino Ventura, du Géant Jean Ferré, de vieilles chansons françaises... des références qui étaient complètement étrangères à l'enfant de 10 ans que j'étais. Mais qu'importe, puisque j'avais du catch sous mes yeux pour compenser cela.

Guyguy c'était le heel ultime, qui avait cette capacité inouïe de nous faire haïr à la fois les heel, mais même parfois certains face, tellement il était convaincant dans sa malhonnêteté. Quand le heel gagnait, il explosait de rire pour bien faire rager Carpentier (ainsi que nous derrière notre écran), et à l'inverse quand il perdait, il refusait la défaite et nous opposait sa mauvaise foi en retour, même lorsque le ralenti proposé était sans équivoque. A ce moment-là il bougonnait ou boudait, tout simplement, et nous buvions alors tous notre petit lait.

Carpentier et Hauray étaient partout, je les emmenais avec moi dans mon salon, dans ma chambre, à plusieurs heures et jours différents de la semaine (au gré des volontés de Canal+), en direct comme en différé, et même sur mes lieux de vacances. Pas de vacances à la plage sans catch, non merci! Le magnétoscope chauffait sévèrement à cette époque, à tel point qu'un impressionnant monticule de cassettes vidéo a commencé à prendre forme dans le salon, avec le ruban adhésif marqué "catch" dessus, ou parfois le nom d'un PPV. Je ne voulais strictement rien effacer, y avait pas moyen, malgré les demandes répétées de ma mère : "non mais t'as vu toutes ces cassettes, c'est grotesque". Et j'ai bien fait, puisqu'à de nombreuses reprises j'ai visionné ces cassettes, raison pour laquelle j'ai gardé en mémoire tant d'expressions mythiques de mes tontons d'adoption. Les noms des prises étaient toujours cités en français, on était loin de Christophe Agius à cette époque. Le kayfabe restait fort, les termes de heel, de face, de jobber et d'overness m'étaient parfaitement inconnus, je marchais à fond dans les histoires, sans me prendre la tête. Pas d'Internet à cette époque, donc ma seule source d'information, c'étaient Guyguy et Eddie.

Puis Eddie a quitté l'antenne, sans que je ne comprenne pourquoi à l'époque, et le duo Hauray-Rougeau prit alors place. Un autre ton entre Eddie et Ray, mais Hauray reste droit dans ses bottes, toujours aussi insupportable dans sa mauvaise foi, son arrogance et son sadisme vis-à-vis de son nouveau compère à l'accent si particulier. Malgré ce changement de binôme, la formule reste efficace et je ne mis pas beaucoup de temps à m'en accoutumer. Le point commun à tout cela? Guyguy, bien entendu. Si Eddie était resté et Guyguy remplacé, je suis prêt à parier que je n'aurais pas éprouvé le même sentiment. D'ailleurs, lorsque Brassard prit par la suite le relais de Guyguy, j'ai tout de suite vu la différence. Il était pourtant plus jeune et plus dynamique que tonton Guy, mais je ne pouvais m'y résoudre. Guyguy, c'était Guyguy, le seul et l'unique. Patrice Evra disait de lui-même qu'il n'était pas si facile que ça de le remplacer, et bien je pourrais dire de Guyguy la même chose. Marc Blondin s'y sera essayé, mais ce n'était plus pareil, le ressort était définitivement cassé chez moi. De même que pour Eddie, j'ignorais pour quelle raison Guyguy avait disparu de mon poste. J'étais incrédule, mais il avait réussi, malgré sa disparition, à me faire rester derrière mon écran pour continuer à regarder du catch. Il avait réussi sa mission tout compte fait, celle de transmettre au public une passion qui ne m'aura jamais quitté, du moins tant qu'on pouvait encore regarder du catch à la télévision... Jusqu'au jour où Agius est arrivé, la passion du catch chevillée au corps, et pour qui Guyguy était un maître absolu, et ça se voyait. Grâce à lui, j'ai pu retrouver un peu de mon vieux tonton, malgré l'énorme différence générationnelle et le style employé. Guyguy aurait pu très bien être son père comme il fut mon tonton, ça ne m'aurait pas surpris.

Voilà, Guyguy et Eddie, c'était une certaine idée de la France, une France hélas oubliée, une autre époque, un autre style. Aucun média ne parlait d'eux, mais c'est un peu l'histoire du catch. Dix ans après Eddie, tu as décidé toi aussi de rendre ta "gapette" (encore un vieux terme que j'aurai appris grâce à lui), de façon aussi discrète et digne que ne le fut ta disparition à l'écran.

Aujourd'hui, je pleure mon second tonton. Il n'y en aura plus d'autre. Je suis sûr qu'à l'heure actuelle, Eddie et toi êtes déjà en train de vous chamailler et de vous chambrer comme à la bonne époque. Aujourd'hui vous n'êtes plus, mais mes cassettes et mes milliers de souvenirs demeurent. J'ai soudainement envie de me trouver un magnétoscope tiens.

Ciao l'ami, et à la prochaine si Dieu le veut!

[Ralgrad]

Bel hommage !

J'ai connu le catch avec Agius/Chéreau, mais je comprends parfaitement ce sentiment de s'attacher à ces hommes ; ils sont plus que des commentateurs, ils sont des ambassadeurs de notre passion en France et nous ont transmis cette fièvre du catch.

Même si je ne le connaissais que de nom, je lui souhaite de reposer en paix et merci à lui pour son travail, sans les premiers, nous n'aurions peut-être pas eu les actuels commentateurs.

[Frofro]

Exactement

[Dix]

Félicitations pour ce texte très touchant.

[Frofro]

Merci c’est gentil

[Retro Rick]

Envoyé par Dix

Félicitations pour ce texte très touchant.

Dix br000, you're back !!

[VonDerChuck]

Belle chronique

Pour ma part, j'ai grandi avec le cable anglophone à la maison. J'ai donc eu en alternance McMahon, Ventura, Monsoon, Heenan, Shiovane, Alfred Hayes, un peu de Sammartino et de Billy Graham, puis Jim Ross et Lawler plus tard.

Bref, c'est quand je louais des VHS au club vidéo pour revoir certains PPV que je tombais parfois sur Haurey et Carpentier. Je trouvais bien drôle leur manie de tout traduire, jusqu'aux noms des lutteurs. Undertaker en faux-soyeur était le pire ça me sonnait tellement étrange entendre tout ça commenté en français, mais ils faisaient effectivement un bon travail pour bien décrire les combats.

Ceux qui ont écouté de façon hebdo, quand Rougeau est arrivé il était le commentateur Face, mais est-ce qu'il disait que le Mountie / Jacques des Quebecers était son frère ou est-ce que c'était Haurey qui l'encourageait aussi ?

[Frofro]

Merci . Nan Raymond ne disait pas que c’etait son frère et Hauray soutenait le Mountie, je me souviens d’un moment où il chantait même exagérément son thème pour faire rager Raymond, ce qui forcément, quand on connait la vraie vie, était drôle .

[Avenger]

Ici au Québec j'ai commencé à suivre la lutte en 1996 avec Raymond Rougeau et Jean Brassard. Pour moi c'est ma référence en commentateurs de lutte francophone. Sinon mes autres comparaisons c'est avec Marc Blondin et ses divers collègues à la WCW et la TNA.

Néanmoins j'aurais aimé connaître cette époque et ce commentateur. Habituellement j'aime écouter mes trucs en VO mais pour la lutte je conserve un soft spot pour la VF.

[Dix]

Envoyé par Retro Rick

Dix br000, you're back !!

Yes!!! Tu sais que c'est en partie grâce à tes postes que je me suis inscrit sur ce site!
Mon éclectique fou!

[Dix]

Ah oui, désolé du double post mais j'avais oublié le principale.

YouTube

J'ai ajouté le merveilleux texte de Froro à la vidéo Hommage de Guy.

[Frofro]

Merci pour l'ajout du texte, c'est trop d'honneurs, j'ai liké la vidéo au passage

[Carcajou3]

Je garde des très bons souvenirs de Guy Hauray

YouTube

YouTube

YouTube

[HowKvin]

En regardant sa page Wikipedia, force est de constater qu'IRL, les heels sont souvent des faces dans la vie.

Visiblement très impliqué dans le domaine caritatif... Il est même à l'origine d'une méthode de coaching...

[Abba]

Presque le goût de faire un jeux d'alcool à chaque que j'entends ''ÇA PROMET! ''